Avis d’Environnement 92 sur la modification n° 4 du PLU de Chatenay-Malabry concernant le secteur de la Butte Rouge

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Environnement 92 est la fédération départementale des associations de protection de l’environnement des Hauts de Seine. Elle rassemble 47 associations du département. Elle est agréée protection de l’Environnement depuis 2000 et habilitée au dialogue environnemental par la préfecture des Hauts de Seine depuis 2012.


Le site de la Butte Rouge de près de 74 ha abritant une des cités jardins les plus remarquables de notre région fait l’objet d’analyses et d’études depuis fort longtemps à la fois des professionnels de l’architecture tant urbanistes qu’économistes ou sociologues français et de nombreux pays étrangers. Une bibliographie abondante existe sur le mouvement des Cités jardins initiés par Henri Sellier dans les années 1920. Elle fait partie des 7 cités jardins des Hauts de Seine dont 2 détruites Nanterre et Plessis-Robinson et donc des 67 cités ayant été érigées dans la région Ile de France.

Un courrier du préfet des Hauts de Seine adressé le 5 novembre 2020 à Louis Sirvin (descendant d’un des architectes concepteurs de la Cité jardin) souligne deux points importants :
– « le maire s’est également engagé avant la fin 2020 à prendre une délibération d’intention pour le lancement de l’élaboration d’un site patrimonial remarquable (SPR) »
– « la rénovation ne sera pas cependant réalisée au détriment de la valeur patrimoniale du site. L’État s’y est fermement engagé. »

Il ne semble pas y avoir trace de cette délibération dans les documents de la ville. Il n’en fait pas fait état dans les documents de l’enquête publique. Il semble difficile de ne pas tenir compte des injonctions de l’État quitte à affaiblir la légalité du projet.

La modification 4 du PLU de Chatenay-Malabry

Elle est très importante tant par la surface foncière touchée que par les constructions envisagées soit en restauration-surélévation ou en démolition-reconstruction. La classification des modifications dans ce projet est ambiguë et entraîne des erreurs d’appréciation contenues dans l’enquête publique entre les niveaux de construction. Des bâtiments anciens surélevés sont comptés comme ne modifiant pas le site.

L’étendue tant foncière que financière du projet est telle qu’une analyse environnementale (étude d’impact environnemental) portée par la Mission Régionale de l’autorité Environnementale aurait dû figurer dans le dossier d’enquête. Cette absence entache la légalité du projet.

De même, l’ampleur du projet portant sur 74 ha de la commune et 9000 habitants soit respectivement 11,6 % du territoire de la commune et 27 % de ses habitants n’est pas une modification légère mais très conséquente. Ceci aurait dû entrainer une révision du PLU de la ville mais comme ceci n’est plus possible au regard de la loi NOTRE c’est une modification du PLUi du territoire qui devrait être présenté comme d’ailleurs le laisse supposer la signature du président du territoire T2 Vallée Sud-Grand Paris, M Berger.

L’absence d’analyse environnementale, la mauvaise comptabilisation des bâtiments modifiés ou reconstruits et l’absence d’une révision générale du PLUi du territoire T2 sont de nature à fragiliser la légalité du projet.

Aspect patrimonial

Patrimoine bâti

La cité jardin de la Butte Rouge a reçu le label « Patrimoine du XXème siècle » devenu Architecture Remarquable.
Le projet actuel ne laissera sans modification que 7,3 % des édifices sur les 233 présents. Autant dire que l’aspect patrimonial et architectural aura disparu.

Le mauvais entretien récurrent et délibéré depuis des années des bâtiments a entrainé des dégâts tels que l’augmentation de l’humidité, la dégradation des façades mais pas au point de ne pas avoir de solutions d’amélioration notables d’autant que ces dégâts sont la conséquence directe des rénovations antérieures mal conduites. Cette autodestruction de la cité-jardin n’a-t-elle pas été volontaire ?

Une restauration d’ensemble est nécessaire comme celles qui ont été entreprises dans d’autres cités jardins telles que Suresnes ou Stains en conservant le bâti et les espaces verts et aussi en maintenant sur place tous les habitants qui le demandent.

Il n’est pas possible que cette cité jardin soit démembrée comme celle de la ville voisine du Plessis-Robinson. Un tel mauvais exemple est suffisant pour les Hauts de Seine !

Les 74 ha de cet ensemble doivent être la fierté urbanistique de la ville. Ce n’est pas un foncier ordinaire, il est remarquable en tant que modèle et idéal à suivre. Si ce patrimoine n’est pas protégé, pourquoi alors ne pas envisager de lotir les forêts domaniales de Verrières ou de Meudon.

La ville s’honorerait à demander un classement de la Butte Rouge au titre de l’histoire urbaine en site patrimonial remarquable.

Patrimoine naturel

Les arbres de la Butte rouge représentent une richesse exceptionnelle de variétés de jeunes sujets adultes, d’un bon état sanitaire et bien suivis (élagage raisonné afin de maintenir des formes libres en respectant l’arbre). Nous avons recensé les espèces suivantes :
Chêne Sessile- Chêne Pédonculé – Chênes rouge – Chêne des Marais – Chêne fastigié -Acacia – Hêtre – Châtaignier -Marronnier – Tilleul – Platane – Sophora – Merisier – Cerisier du Japon – Noisetier de Byzance. Gléditsia – Charme – Catalpa – Peuplier d’Italie et de Bolléne – Tremble – Frêne – Bouleau – Érable sycomore – Érable Plane – Erable Argenté – Micocoulier – Pin noir d’Autriche – Pin sylvestre – Épicéa – Cyprès de Lawson – Cèdre du Liban – Cèdre de l’atlas – Cèdre Déodora – Taxus .

Parmi eux, quelques arbres hors norme ont été repérés, dont 16 figurent dans l’inventaire des arbres remarquables des Hauts de Seine : chênes pédonculés et sessiles entre 20 et 33 m de largeur de houppier et de circonférence de tronc entre 3,90 m et 5 m, un Erable argenté de 4 m de circonférence et 40 m de largeur de houppier et 16 m de haut et un magnifique sujet, un Robinier de 5,60 m de diamètre sujet de 300 ans en bon état. Leur remplacement éventuel comme indiqué dans le projet « Tout arbre abattu devra être remplacé par un sujet de même développement » est complètement impossible. Comment remplacer un arbre tricentenaire comme le robinier à côté de l’église copte ?

Ce patrimoine naturel exceptionnel représente un trésor à préserver absolument qui renforce la demande de classement du quartier.

Aspect environnemental

Comme souligné en introduction, aucune étude d’impact de ce projet sur l’environnement ne figure dans le dossier. Elle n’a pas été demandée et la préfecture n’a pas exercé sa prérogative alors que le secteur concerné est foncièrement important.

Les démolitions reconstructions de bâtiments qui pourraient être réhabilités à moindre coût vont augmenter sensiblement les émissions de gaz à effet de serre. Aucun bilan carbone ne semble avoir été réalisé alors que pour un projet d’une telle ampleur, après les accords de Paris de la COP 21 il s’avérerait justifié.

C’est aussi un des écoquartiers historiques de la Métropole du Grand Paris contenant des référentiels labellisés : insertion dans le site collinaire, végétalisation, gestion des eaux pluviales et des déchets par la valorisation énergétique des ordures ménagères via une chaufferie qui alimentait la piscine.

Le paysagiste de la cité-jardin André Riousse l’a conçu pour exploiter tous les atouts environnementaux du site : forêt, vallon, parc d’un ancien château en la fondant et respectant le paysage existant. Cette cité-jardin, dont les parties les plus anciennes ont 80 ans, devrait être un exemple pour les aménagements urbains futurs à la fois sur l’implantation bioclimatique des bâtiments et leur adaptation au site collinaire.

L’accroissement des voiries et des parkings envisagés est incompréhensible en 2020 alors que progressivement l’usage du véhicule personnel va diminuer remplacé par le véhicule partagé ou loué, que l’amélioration des transports en commun via la réalisation d’un tramway, le T 10 qui longe toute la cité avec 4 stations et de nombreux cheminements piétonniers permettant aux habitants de le rejoindre. Une telle erreur est liée à un manque de vision de l’évolution urbaine alors que réalisée elle affectera le secteur pour 50 ans.
Enfin, sur le plan de la végétalisation de la cité-jardin, 14 arbres remarquables recensés par le conseil départemental des Hauts de Seine (micocoulier, robinier, chênes, érable argenté) ne figurent pas dans le projet.

La séquence Éviter, Réduire, Compenser doit être le fil conducteur de l’intégration de l’environnement dans les projets urbains. Elle s’inscrit pleinement dans le prolongement de la Charte pour l’environnement de 2004 et la Loi Grenelle de 2009. Cette séquence donné lieu à des informations et guides à l’usages des communes via une agence de l’Etat, le CEREMA. Le projet actuel est loin de s’en inspirer ce qui la aussi fragilise sa légalité.

Aspect social

La cité-jardin a été conçue sous l’impulsion d’Henri Sellier, président de l’office d’habitation a bon marché de la Seine, ministre, puis sénateur et maire de Suresnes pour loger les classes populaires de Paris dont la santé était fortement dégradée par un habitat parisien dégradé, insalubre et une trop forte densité.

La Butte Rouge remplit parfaitement la mission fixée par son initiateur en hébergeant très majoritairement des personnes à très bas revenu.

Une enquête de l’ANRU menée en 2017 montre que les habitants sont satisfaits de vivre dans cette cité.

Les logements répondent pratiquement aux normes actuelles et aux moyennes des surfaces habitables du département des Hauts de Seine.

La Butte Rouge est une image de marque d’une politique innovante de l’habitat social des années 1930… on n’a guère fait mieux de nos jours en entassant les classes populaires dans des barres immenses qui sont souvent en train d’être démolies tellement elles engendrent un mal-être d’y vivre.

Pourquoi alors s’obstiner à démolir des logements sociaux qui pourraient être restaurés et dont on manque énormément en région parisienne et particulièrement dans les Hauts de Seine. Les habitants qui devront être relogés hors de cette cité-jardin ne retrouveront ni un environnement similaire ni un niveau de prix de loyers de PLAi identique car de tels logements sociaux ne se font plus.

On rappelle qu’il y a entre 6 et 10 % de bureaux vacants depuis de nombreux mois dans notre agglomération centrale soit entre 3 et 6 millions de m2 se surface construite. Leur transformation en logements est possible selon le code de la construction et de l’habitat avec des dispositions spécifiques pour Paris-Petite couronne qui facilitent la mutation. Pour environ 1200 € du m2 comme l’a évalué en 2010 l’EPAD-La Défense, la transformation de ces bureaux permettraient de remplir les obligations constructrices du SDRIF de 70 000 logements par an pendant au moins dix sans avoir besoin de foncier supplémentaire. Outre cela, cela conforterait la directive ZAN.

Conclusion

L’avis d’Environnement 92 est en conséquence totalement défavorable au projet tel qu’il est présenté actuellement. La fédération associative a bien compris la nécessité d’une restauration des bâtiments mais elle insiste pour que ce soit un projet totalement cohérent, respectant totalement le schéma des concepteurs de la cité-jardin de la Butte Rouge et respectant au maximum les arbres matures du quartier. Les visionnaires qui ont bâti la cité-jardin de la Butte Rouge l’ont conçu pour la période actuelle de réchauffement climatique, une remarquable intuition ! Environnement 92 ajoute qu’un tel projet serait la marque d’une ville attentive au patrimoine, à l’environnement et à l’aspect social comme cela doit se faire dans un projet de développement durable du XXIe siècle.

Le 7 janvier 2021,
Irène Nenner,
Présidente d’Environnement 92
Officier de l’ordre de la Légion d’Honneur

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