Avis sur le Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB) dans l’Ile de France

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L’ambition de ce programme pour les 10 ans qui viennent, vise à développer une filière bois (énergie et construction) tout en respectant la biodiversité, la pérennité de ces espaces et les attentes du public, avec les contraintes du réchauffement climatique (attaques parasitaires, stress hydrique…) ne doit pas cacher des faiblesses inquiétantes résumées ci-dessous.

Les forêts représentent l’outil majeur d’adaptation au changement climatique car ce sont les seuls espaces de fraicheur pour les citadins de l’Ile de France. C’est pour cela qu’il faut les préserver et si possible, les développer. Or, la pérennité de toutes les forêts comme espaces naturels n’est pas garantie en Ile de France. Même si l’on admet que toutes les forêts domaniales seront classées en forêt de protection, comme le propose le plan, rien c’est moins sûr sur les autres forêts publiques de surfaces plus petites. Il n’y pas de dispositions pour prévenir les projets de transformation de certaines forêts en parcs de loisirs, de réserves foncières pour des projets d’urbanisme ou d’infrastructures de transport ou encore d’exploitation minières (gypse par exemple). Les forêts privées sont encore plus vulnérables à cause de leur morcellement, leur faible niveau d’organisation et la quasi-absence de leur protection. On peut regretter que le législateur n’a pas encore prévu de texte pour protéger les espaces boisés, à l’exception des lois suivantes : la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, qui sans son titre III, article 112 indique que les « Sites patrimoniaux remarquables », doivent être sauvegardés. La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, titre VI, article 48, protège les parcs naturels régionaux.

La préservation de la biodiversité par les acteurs chargés de la gestion forestière est une des fortes recommandations du plan. On peut douter de l’efficacité et la crédibilité du plan d’actions devant le fait que la cause de la biodiversité n’est pas encore considérée comme un enjeu prioritaire, parmi les acteurs forestiers, les élus et la société en général. Par exemple, Le diagnostic via l’indice de biodiversité potentielle est encore très peu utilisé comme outil de diagnostic de l’état de ces espaces. devrait mobiliser des forces significatives, notamment parmi les organisations professionnelles forestières mais faut-il compter sur elles pour le faire ? par ailleurs, les efforts des associations qui se sont déjà mobilisées seront-elles soutenues ? Enfin si des résultats existent, il faut qu’ils soient publiés largement et garantir la transparence indispensable sur le long terme.

Le plan évoque les déchets sauvages, ce qui est un vrai fléau pour des forêts. Les solutions proposées dans le plan sont fondées surtout sur la concertation entre les acteurs mais n’incluent pas de volet financier ce qui diminuent fortement leur crédibilité.

Tout le plan repose sur l’accroissement naturel de la forêt pour pouvoir en prélever une partie pour l’exploitation du bois pour l’énergie et la construction. Le caractère renouvelable des arbres coupés est en question si on considère que le réchauffement climatique peut affecter les arbres (maladies, stress hydrique) que sur une échelle de 100 ou 200 ans, il n’est pas sûr de retrouver des peuplements équivalents avec la même capacité de stockage de carbone s’il n’y a aucune régulation fiable de la quantité prélevée pour un développement durable.

Le volume prélevé doit donc être moins important. S’agissant du bois-énergie, on peut admettre l’usage du bois de chauffage pour les particuliers mais son usage pour les chaufferies collectives est à limiter fortement puisqu’elle consomme des volumes excessifs par rapport aux capacités de la région, puisque déjà aujourd’hui, certaines de ces chaufferies importent du bois de l’étranger.  Le plan affiche une intention de cohérence avec d’autres plans de la région. Or le Plan de protection de l’atmosphère 2018-2025 indique que le chauffage au bois en Ile de France est responsable de 60 % des émissions dans l’air de particules du secteur résidentiel. Ces particules sont particulièrement nocives pour la santé des franciliens. L’usage d’appareil de chauffage à fort rendement est une mesure qui doit être contraignante et en plus les cheminées devraient être équipées de filtres à particules comme cela est réglementé en Suisse, par exemple.

Les forêts publiques présentent une gouvernance éclatée entre l’Etat dont plusieurs ministères de tutelle (Agriculture, Ecologie, Culture), les départements, la région Ile de France, ce qui nuit à construire une politique de protection des forêts et espaces boisés, avec la cohérence nécessaire à son efficacité. Le plan ne propose aucune mesure pour traiter ce sujet.

En conclusion, les mesures de protection des forêts de toute taille en Ile de France ne sont pas à la hauteur des défis liés à la lutte contre toutes les atteintes potentielles des projets d’urbanisme et d’infrastructures de transport, sans compter les tentatives de dévoiement de son usage.
La volonté des pouvoirs publics de développer une filière d’exploitation du bois pour l’énergie et la construction nous inspire de la méfiance devant le défi de l’adaptation au changement climatique. Nous ne savons pas si ce changement ne va pas avoir totalement modifié les milieux où se développent nos forêts. Les attaques parasitaires qui sont déjà à l’oeuvre dans la région vont affecter les peuplements. Le stress hydrique ressenti depuis plusieurs années dans certaines parties du monde y compris en France a ralenti la croissance forestière. Le caractère renouvelable des arbres coupés est contestable et justifient que les volumes d’exploitation soient revus à la baisse.
Le bois énergie est donc une solution du passé alors que le développement de la forêt est une solution d’avenir pour lutter contre l’effet de serre en régulant à la fois le carbone mais aussi l’eau par ses capacités de fixation et d’évapotranspiration. Nous avons besoin de scientifiques dans ces plans à visée uniquement économique. Ce plan ne correspond donc pas à nos attentes !

Fait à Chaville, le 9 septembre 2018
Irène Nenner Présidente

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