L’association Environnement 92, créée en 1991, fédère 45 associations de protection de l’environnement des Hauts de Seine. Environnement 92 est agrée pour la protection de l’environnement et habilitée au dialogue environnemental. Elle est affiliée à France Nature Environnement Île de France.
En remarque préalable,
- Nous regrettons que l’enquête se déroule du 6 juillet au 21 Août en pleine période estivale où les habitants de Boulogne-Billancourt et de Meudon sont souvent absents.
- Le dossier qui concerne la ZAC Seguin Rives de Seine, fait l’objet de trois enquêtes publiques indépendantes alors que ce sujet doit être pris dans sa globalité. Le fait de ces trois enquêtes sur la base d’un dossier pléthorique et très complexe, apparait comme un moyen de noyer les citoyens dans un déluge de détails sans fournir de vision d’ensemble ni de pédagogie sur les motivations du maitre d’ouvrage.
L’analyse du point de vue environnemental, qui fait l’objet de suivi spécifique de notre association, conduit aux remarques suivantes :
Une densification excessive
Ces projets de la ZAC citée en objet, est avant tout un projet d’urbanisme intensif à la fois sur l’ile Seguin (123 000m2 de bureaux et 6500 m2 de commerces) et sur l’ilot D5 (60729 m2 de bureaux, d’habitations et de commerces). Or La ville de Boulogne -Billancourt est une commune carencée avec 5 m2 par habitant d’espaces verts, à comparer avec les 10m2 par habitant minimum recommandés par l’OMS et repris dans le plan vert de la Région Ile de France de 2017-18. Cette urbanisation va aggraver la situation de carence de cette ville.
Un volet espaces de nature, indigent
Les espaces verts du projet sont limités à un jardin public de 15 000 m2 sur l’ile et de la végétalisation de certaines voies et des toits. Or le réchauffement climatique qui s’aggrave avec le temps impose des solutions d’adaptation par plus de végétation, qui représente de la climatisation naturelle pour les habitants. Les surfaces dédiées à la végétation sont complètement insuffisantes et vont à l’encontre des besoins futurs de la population pour rendre la ville plus vivable et échapper aux effets “ilots de chaleur”.
Les sols ont été fortement pollués par 100 ans d’occupation par les usines Renault. Même si des efforts de dépollution ont été menés, les risques de santé pour les actifs qui vont y travailler, pour les résidents et les visiteurs, ne peuvent pas être exclus. La faible qualité des sols n’est pas optimale pour la plantation d’arbres, d’autant que la notion de pleine terre est toute relative : les 2m de profondeur dans le jardin public de l’Île Seguin ne sont pas adéquats pour la plantation d’arbres de haute tige. Il n’y a aucune garantie sur la profondeur de terre sur les autres espaces à végétaliser.
L’insertion paysagère du projet n’est pas du tout satisfaisante avec la dominante de “béton” faisant écran aux perspectives vues des deux rives de la Seine.
La végétalisation des toits des constructions, ne compense pas l’absence de pleine terre et relève du “green-washing” pour l’esthétique uniquement.
Sur l’apport biodiversité de la végétation prévue, le dossier est pauvre. Le rapport de la Mission régionale de l’autorité environnementale est critique sur ce point. Le maître d’ouvrage et l’aménageur n’ont pas fourni de réponses convaincantes.
Gestion des eaux claires : Alors que le traitement des eaux claires est exemplaire dans le quartier du Trapèze, nous avons des doutes sur ce point pour l’ilot 5 et l’ile. Il nous parait important que la gestion des eaux claires dans les zones urbanisées du projet soit de la même qualité. Par exemple, sur l’ile, les noues en pied d’immeubles, les bandes drainantes vers un bassin risquent de ne pas être suffisantes en cas de sècheresse et imposer une dépendance inéluctable à l’arrosage.
Pollution de l’air : Selon AIRPARIF, la ZAC est située dans un secteur où la pollution de l’air est très élevée à cause principalement du trafic routier. Or celui-ci va s’aggraver avec l’accroissement d’activités et d’habitations dans une zone déjà régulièrement polluée. Le projet favorise clairement le déplacement automobile, d’autant que la RD1 devrait passer de 2×1 à 2×2 voies (voir ci-dessous).
Pollution sonore : Selon BRUITPARIF, la pression sonore (65-75 db(A) va dépasser les valeurs limites autorisées. Nous attirons votre attention sur la nouvelle loi sur l’orientation des mobilités, votée 2019 qui oblige les aménagements nouveaux à prendre en compte sur le bruit environnant. Comme le demande la Mission régionale de l’autorité environnementale, nous demandons que les immeubles d’habitations soient placés derrière ceux des bureaux afin d’être un peu protégés de cette pollution.
Pollution lumineuse : le quartier est soumis à une zone particulièrement polluée sur ce point depuis longtemps à cause de l’éclairage nocturne des voies publiques, des bureaux et de la publicité lumineuse. L’écran lumineux de 800 m2 de la Seine Musicale est emblématique et a fait l’objet de pétitions des riverains et d’autres principalement à cause de l’impact sur le sommeil et des perturbations sur la faune (poissons, insectes, oiseaux, chauve-souris ….).
Les transports, les déplacements et les conditions de circulation. Ce projet va aggraver la situation de Boulogne-Billancourt qui souffre depuis longtemps de l’engorgement routier à cause de la densité de résidents et des actifs venant y travailler (120 000 habitants et 120 000 actifs) et du fait que c’est une commune de transit intense entre Paris et la banlieue.
Le fait d’implanter à la fois des bureaux et des commerces n’est pas adapté à la localisation sur une île ; Il complexifie la situation en attirant quotidiennement les personnes qui y travaillent ou qui s’adonne à des activités de loisirs. Cette population variera au cours de la journée et va immanquablement complexifier les transports : l’accès routier ne se fera que par le pont Renault, la circulation des vélos et des piétons n’est pas traitée en détails.
On peut s’attendre à ce que l’île accueille jour et nuit une trentaine de milliers de travailleurs (souvent non Boulonnais), des visiteurs, touristes séjournant en hôtel sur l’ile, des spectateurs pour les 16 salles de cinéma et 6000 auditeurs pour les concerts. Le projet des voies de desserte vers les rives de Boulogne (RD 1) et de Meudon (RD7) avec un partage entre voitures, autocars, vélos, 2 roues motorisées, et piétons n’est pas compatible avec les flux attendus.
Ce projet a aussi un impact sur la future requalification de la RD 1, actuellement en 2×1 voies mais qui doit passer en 2×2 voies. Ce projet de 2×2 voies qui n’a aucune continuité avec la voie sur berges parisienne doit être abandonné au profit d’une voie de circulation mixte à partager entre automobiles, vélos et piétons.
Ce projet ne traite pas la question de la circulation et du stationnement des vélos, alors que les visiteurs devraient y être attirés par des infrastructures adéquates, à la fois sur l’île et sur les rives.
Enfin, il est surprenant que l’accessibilité par voie fluviale n’ait pas été traitée.
Conclusion d’Environnement 92
Ce projet sur la ZAC Seguin-Rives de Seine ne répond pas aux attentes de réduction des pollutions et de nuisances par les habitants ni aux exigences des dérèglements climatiques, ni encore à la lutte contre la perte de biodiversité. La densification excessive sur toute la ZAC Seguin-Rives de Seine conduit à ruiner tout espoir d’augmenter la surface d’espaces de nature dans une ville déjà très carencée en espaces verts.
L’avis de l’autorité environnementale montre aussi des insuffisances sur plusieurs sujets critiques environnementaux auxquels le maître d’ouvrage et l’aménageur n’ont pas répondu de manière convaincante. Environnement 92 donne un avis extrêmement défavorable à ce projet surdimensionné, inadapté aux besoins des Boulonnais et en retard par rapport à l’urgence climatique et encore plus de perte de biodiversité.
Le 21 Août 2020
La présidente d’Environnement 92
IRENE NENNER Officier de la Légion d’Honneur