Le présenta avis porte sur l’étude d’impact du projet d’aménagement résidentiel de l’îlot Descartes au sein de la zone d’activité Novéos dans le sud de la commune du Plessis-Robinson(92). Il est émis dans le cadre de la demande de permis d’aménagement déposé par la société Eiffage aménagement.
L’analyse du dossier du point de vue environnemental conduit aux remarques suivantes en accord avec les conclusions de la MRAE du 24 juillet 2020 :
Une urbanisation excessive et trop de parkings
Sur le site de 2,6 hectares, il est prévu la construction d’un lotissement de 6 lots d’habitation, pour une surface de plancher de 52 000 m², soit 750 logements collectifs de R+2 à R+7 de 48 000 m² de surface de plancher et 300 m2 de commerces. Alors que les principes d’une urbanisation durable et responsable imposent 30 à 50 % d’espaces de pleine terre, l’îlot Descartes est quasiment exempt d’aménagement végétal hormis le long des chemins piétonniers. L’accroissement de la densification des constructions au détriment d’espaces de nature va aggraver le pourcentage d’espaces verts par habitant du Plessis Robinson et se rapprocher dangereusement de la limite recommandée par l’OMS de 10 m²/habitants d’espaces verts. Ce pourcentage était de 21 m² par habitant en 2015 et décroit régulièrement depuis lors. Cette quasi absence d’espaces naturels arborés va accroître l’effet « ilot de chaleur » tant redouté en cas de canicule.
S’agissant du volet biodiversité, la commune du Plessis Robinson est proche du Parc de la Vallée aux Loups qui fait partie de la première couronne verte de l’Île de France. En accord avec la stratégie régionale de biodiversité, cette commune ne devrait pas être densifiée pour préserver les espaces de transition avec les réservoirs de biodiversité (ici le parc de la Vallée aux loups).
Prévoir 1100 places de parkings alors que les transports semi lourds (Tram 6 et 10) sont à 10 minutes de marche à pied (recommandée pour la santé) est une option qui ne cadre pas avec la volonté de la Métropole du Grand Paris d’être une Zone à faible émission (ZFE) sachant que les véhicules thermiques sont très consommateurs d’énergie et polluants. On ne s’étonne plus après cela que la ville du Plessis-Robinson tarde à signer l’accord ZFE. En outre, le plateau étant quasiment sans dénivelé, les habitants peuvent utiliser un vélo sans problème mais là encore le projet ne prévoit pas de de pistes cyclables ni de garage à vélos.
La gestion de l’eau tant de pluie que des bassins prévus au centre des 6 bâtiments ne semble pas non plus respecter les règles d’un développement durable. Pas de récupération des eaux de pluie hormis des noues et les bassins et la gestion de ceux-ci est liée à des pompes électriques consommatrice d’énergie… un peu d’imagination architecturale aurait pu imaginer des bassins avec des approvisionnements en gravité.
Le promoteur ayant conscience de tous ces soucis environnement, en confie la gestion à la municipalité qui aura à gérer tout ce désordre et surtout à déclarer toutes ces consommations énergétiques dans le Plan Climat Air Energie du territoire T2.
L’absence de logements sociaux est aussi discutable car bien que la commune soit au-dessus de ce que demandent les directives ministérielles avec 37,25 % de logements sociaux en 2019… ne pas évoquer une mixité sociale revient à construire des ghettos sociaux.
Ce projet est intégré au projet Novéos du Plessis-Robinson et participe avec les autres projets connexes (OAP Ledoux du Plessis-Robinson, Plaine sud entrée de la Zone de Novéos sur Clamart), soit un ensemble de 65 hectares. Là encore les 4500 logements à construire vont densifier de manière considérable le secteur et saturer les transports.
Pollution chimique du sol
Un site BASIAS est recensé au droit du site (anciennement Air liquide) présente différents équipements, a l’origine de risques sérieux de pollution du sol :
- Une cuve enterrée de 20 m3 de FOD, inertée, située au nord-ouest du site ;
- Trois postes de transformation électrique, répartis sur la moitié ouest du site,
- Une activité récente de garage et peinture automobile au nord du site, dont une aire de lavage/maintenance extérieure ;
- Une ancienne activité ayant pu impacter la dalle du bâtiment nord-ouest. La dalle présente un aspect gras et une aire de lavage/vidange est présente en bordure sud-ouest extérieure ;
- Deux cuves enterrées de fuel de 25 m3 chacune, probablement encore présentes et utilisées au sous-sol du bâtiment Est. Il ne semble pas exister de document sur un éventuel inertage ou retrait de ces cuves ;
- Un ancien transformateur au pyrale ne situé dans le sud de la moitié est du site.
Ainsi le site est pollué avec des « dépassements notables » comme
- « teneurs résiduelles en polychlorobiphényles (PCB) au sud-est (SB 0-0,6 m) de l’ancien transformateur au pyrale ne d’AIR LIQUIDE ;
- teneurs remarquables en hydrocarbures C10-C40 au droit de T2 (0,15-1,25m), avec dépassement du seuil ISDI ;
- des dépassements des teneurs en fluorures sur élua t pour 14 échantillons, selon le seuil ISDI ;
- Présence d’un bruit de fond en arsenic sur brut sur 4 échantillons réalisés a plus de 6 m de profondeur. »
Même si une étude complémentaire du site est en cours, il est étonnant que le précédent propriétaire « Air Liquide » qui est une entreprise en pleine et bonne activité n’ait pas décontaminé son terrain avant de le céder… Ou du moins, elle aurait du fournir un rapport d’analyse montrant que le sol avait été remis dans un état pour un usage industriel avec les polluants cités plus haut éliminés.
Champs électromagnétiques
L’étude d’impact réfère la présence de lignes Très Haute Tension, comme suit :
- « 2 lignes 225kV MOULINEAUX-VILLEJUST 1 et 2 qui ne sont plus en activité car les nouvelles liaisons souterraines qui les remplacent sont en service depuis fin aout 2019. La dépose des conducteurs de ces ouvrages est programmée à fin 2021 voire début 2022. »
- « Pour les 2 autres lignes, la mise en service des liaisons souterraines remplaçantes est prévue pour juin 2022. »
Quand bien même ces lignes seraient enterrées, le champ magnétique en résultant ne sera pas pour autant réduit. Seul le champ électrique peut être blindé par enfouissement; Rappelons les conclusions du CRIREM qui sont sans ambiguïté en la matière :
- « Les valeurs de champ magnétique pour un courant alternatif de fréquence 50 Hertz à une même distance de la ligne, qu’elle soit enterrée ou aérienne, seront donc équivalentes que ce champ se transmette dans l’air ou dans le sol.
- Pour un même voltage, à une même distance de la projection verticale sur le sol de l’axe de la ligne, un individu sera donc plus proche des câbles enterrés que des câbles aériens, le champ magnétique pour un courant alternatif de fréquence 50 Hertz sera donc plus élevé.
- Le vagabondage des courants d’induction est moins maîtrisé dans les sols que dans l’air. »
L’annexe à la directive Batho d’avril 2013 le confirme. Elle donne pour informations des valeurs de champ magnétique pour 2 cas de figure : ligne aérienne et lignes enterrées en trèfle non jointif avec enrobage béton pour une ligne 400 KV :
Par ailleurs tant que les lignes sont en activité, il est interdit de construire des logements dans un rayon de 40 m autour des pylônes et une bande de 15 m sous les lignes.
Bruits environnementaux
Comme l’indique la MRAE, la zone NOVEOS est très impactée par les bruits routiers et aériens avec des voies routières importantes comme l’autoroute A 86, et les départementales RD 906 et RD2 plus un aérodrome militaire enregistrant environ 17000 mouvements par an dont de nombreux hélicoptères bruyants.
Les mesures locales indiquant un niveau sonore journalier de 58 à 63 dB(A) et nocturne de 53 à 61 dB(A), sont insuffisantes au regard de la loi. Ces indications doivent être impérativement transformées selon l’indice internationalement reconnue Lden. Outre cette transformation qui seule a valeur juridique, la précision des mesures doit être donnée par son écart-type au moins.
Le projet de modélisation acoustique pour 2024-2030 donne des valeurs jour 60-65 dB(a) et nuit 55-60 dB(A) et toujours pas de Lden. Il est à rappeler que les valeurs limites de bruit officiellement utilisée en France en transcription de la directive européenne 2002/49/CE sont de Lden 68 dB(A) pour le bruit routier et Lden 55 dB(A) pour le bruit aérien. Ces normes vont probablement changer rapidement car datant de 2002 alors que l’Organisation Mondiale de la Santé préconise dès à présent pour la route Lden 53 dB(A) et 45 dB(A) pour l’aérien. Il est fort probable que la modélisation évoquée précédemment ne sera pas au niveau demandée.
L’aérodrome militaire de Villacoublay a un Plan d’exposition au bruit en cours de discussion. Ce plan défini 3 zones selon les émergences de bruits dans ces secteurs. La zone C, en particulier, a vu étrangement passer son seuil limite de 52 dB(A) à 53 dB(A) ce qui selon la ville du Plessis-Robinson lui permettait de lotir la zone NOVEOS… Il est connu des spécialistes du bruit que le bruit aérien n’est pas un bruit continu ; il est très discontinu et survenant en période nocturne, il a des effets physiologiques importants (élévation de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque). C’est pour cela que ses limites sont plus faibles que pour le routier mais la norme Lden masque l’effet brutal du discontinu.
On rappelle que l’impact économique en termes de pathologie (stress, troubles du sommeil, absentéisme, pathologies cardiovasculaires) est extrêmement élevé dans notre pays et surtout dans les villes denses. La perte d’espérance de vie liée au bruit routier est de 12 mois mais s’élève à 20 mois avec le bruit aérien (Rapport 2019 Bruitparif « Bruits des transports dans la zone dense de la région Ile de France). Le Conseil National du Bruit à la demande de l’Assemblée Nationale a chiffré ce coût économique du bruit à 1000 euros par français et par an en 2016 (60 milliards d’euros), comme c’est une moyenne prenant en compte la France urbaine et rurale…les coûts sont plus élevés en zone dense.
En conclusion, Environnement 92 considère que ce projet, par son urbanisation excessive, est en recul par rapport aux impératifs de lutte contre le réchauffement climatique qu’il aggrave le déclin de biodiversité par la perte nette d’espaces végétalisés en pleine terre. Avec les nuisances caractérisées par la pollution du sol, du bruit excessif et des champs magnétiques près des habitations, ce projet ne va pas dans le sens de l’amélioration de la santé et du bien-être des habitants et des actifs. Environnement 92 émet un avis défavorable pour ce projet.
Le 27 octobre 2020
Irène Nenner, Présidente
Officier de l’Ordre de la Légion d’Honneur