Avis sur le SCoT de la Métropole Grand Paris
L’association Environnement 92 créée en 1991, est une fédération regroupant 52 associations de protection de l’environnement et du cadre de vie des Hauts de Seine. Elle est agréée Protection de l’Environnement et habilitée au dialogue environnemental au niveau du département des Hauts de Seine. Elle est fédérée à l’union régionale France Nature Environnement-Ile de France.
Remarques générales
Devant les prévisions alarmistes des scientifiques sur le climat, notamment en France (octobre 2022) par le CNRS et Météo-France, ce projet de SCoT ne répond pas aux défis environnementaux et sanitaires tant à l’échelle régionale que nationale.
Le contraste entre les objectifs dominants de la recherche de l’attractivité économique et ceux qui concernent le social et l’environnement, ainsi la protection de l’homme contre les effets du réchauffement climatique via le développement et la valorisation de la nature, la lutte contre l’effondrement de la biodiversité, affecte l’argumentation globale développée dans le dossier de SCoT.
Il y a une contradiction persistante entre l’objectif irréaliste de construire 38 000 logements/an, d’accroître toujours plus la densité de constructions à comparer avec les besoins majeurs de libérer du foncier pour des espaces de nature afin de protéger les habitants, de préserver la ressource en eau, de diminuer les risques d’inondation et l’enjeu global de rendre la ville plus vivable pour les habitants et leurs usagers.
Les prescriptions du DOO qui devraient permettre de s’imposer aux PLUis ne sont souvent que des orientations sujettes à interprétation et ne garantissent pas une cohérence de l’application du PADD dans les 12 EPT de la MGP.
Par ailleurs, le dossier du SCoT particulièrement important pour les 15 prochaines années, est complexe et difficile à appréhender pour le grand public. Les 34 jours alloués à l’enquête publique sont dérisoires pour espérer une appropriation suffisante des citoyens.
Remarques spécifiques pour les prescriptions du DOO
1. Préserver la ressource en eau et limiter les risques d’inondations
Les prévisions climatiques concernent une amplification des évènements extrêmes (forts
orages, tempêtes, inondations) et la fréquence et la durée des périodes de sécheresse. Le
PPRI en vigueur sur la base de la crue de référence de 1910 doit être revu.
Nous demandons de
- Interdire la construction de logements, d’équipements publics et d’activités économiques dans les zones inondables et engager un programme de dé-simperméabilisation des sols.
- Faciliter la réouverture des rus et rivières et donner des objectifs et un calendrier précis, notamment pour la Bièvre, la Morée, le Croult, la Vieille Mer, le Sausset, le Ru de Rungis, le Morbras, l’Orge, le Ru de Marivel et ses affluents, le Ru de Vaucresson et le Ru de Saint-Cucufa.
- Favoriser la sobriété dans l’usage de la ressource en eau : Prioriser chaque fois que possible les eaux brutes plutôt que l’eau potable, Favoriser le recyclage/ la
réutilisation locale (assainissement, rus, ruisseaux, etc.). - Expérimenter sur un territoire volontaire la réutilisation des eaux usées épurées.
- Imposer le zéro rejet dans la gestion des eaux pluviales.
2. Protection des espaces naturels et la consommation d’espaces
L’abattage d’arbres et de consommation d’espaces naturels à l’occasion d’opérations d’aménagement est un constat récurrent, et ceci est en contradiction avec les orientations du PADD (axe 2) pour le renforcement de la nature en ville. Ceci conduit à une sur-densification urbaine dans Paris et dans les départements de la petite couronne, ce qui conduit à accroître les pollutions (air, bruit) et les risques sur la santé humaine et les effets ilots de chaleur.
Les constructions de bureaux et de zones d’activité persistent à se concentrer à Paris et l’ouest parisien sans que les besoins de logements sociaux soient satisfaits. Les conséquences se traduisent par l’accroissement des déplacements pendulaires qui engorgent les transports en commun et le trafic automobile.
Nous demandons donc
- D’accélérer les mesures de mobilités alternatives aux déplacements motorisés. Faire évoluer les infrastructures routières existantes vers des voies urbaines apaisées accueillant différents types de transport alternatifs à la voiture (pistes cyclables, voies réservées aux transports en commun), favoriser le report modal dans le réseau des transports en commun, favoriser une tarification permettant l’intermodalité.
- De rendre obligatoire la part de pleine terre à un niveau de 50% au niveau de la parcelle pour tous les projets de construction ou d’aménagement. Ce pourcentage peut être augmenté en fonction de la taille de la parcelle. En cas de démolition / reconstruction la règle des 50% s’applique. Aucune végétalisation de façade ou du toit ne peut amener à réduire ce pourcentage.
- De protéger toutes les forêts urbaines de la métropole
- D’interdire l’abattage d’arbres sans raison impérieuse de sécurité et avec une expertise sanitaire indépendante. En cas d’aménagement d’un espace, le maintien des arbres doit être considéré comme une priorité de résilience climatique.
- D’étendre la protection des arbres, hors lieux déjà protégés par le Ministère de la culture, comme les cimetières, les parcs et autres lieux publics
- D’intégrer la reconversion de bureaux en logements essentiellement lorsque le déséquilibre emplois/logements est trop fort à l’échelon local en interdisant toute
construction neuve de bureaux et en obligeant à en convertir une partie en logements en cas de réhabilitation lourde - De privilégier, en priorité, l’implantation dans les zones déficitaires en logements avec des surfaces conséquentes réservées à des espaces de télétravail interentreprises pour réduire fortement les déplacements pendulaires.
- D’étendre au niveau métropolitain l’obligation de consacrer une part de logements sociaux (objectif SCOT: 22 700)/an) dans tout programme de construction. Le pourcentage de logements sociaux est proportionnel à la surface totale de plancher envisagée. Développer le principe du Bail réel solidaire sur tout le territoire de la Métropole.
La Seine structure la région parisienne avec sa dimension de continuité fluviale, l’écosystème de ses rives, ce qui en fait un socle de la trame verte et bleue du territoire. Son rôle public et multifonctionnel et ses usages liés aux « activités diverses, portuaires, économiques et logistiques, résidentielles liées aux usages de la voie d’eau et usages publics liés aux activités urbaines (loisirs, promenade, circulations douces », comme cela est exprimé dans les recommandations pour l’adoption des PLUI des 12 EPT métropolitains du dossier du SCoT, constituent les sources de menaces pour ce patrimoine naturel.
Nous demandons
- L’identification d’une zone urbaine fluviale pour la Seine et ses affluents, spécifiquement dans le plan de zonage des PLUi, avec des secteurs des berges classés en zone naturelle, ce qui suppose l’exclusion de toute bétonisation des lieux afin de fournir les conditions optimales d’un développement de la biodiversité aquatique et terrestre.
- Pour les OAP, la largeur minimale de la berge doit être de 15 mètres, pour garantir la création d’une voie piétonne sur un sol perméable, dans un environnement arboré et végétalisé.
La lutte contre la biodiversité ordinaire en zone urbaine dense doit être une réalité pour que le vivant (faune sauvage, flore) se développe et bénéficie à la santé humaine. Ceci s’appuie sur la loi pour la Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (2016) qui introduit des obligations de compensation des atteintes à la biodiversité et plus largement à la séquence Eviter, Réduire, Compenser(ERC). Cette loi vise, donc par des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, un objectif d’absence de perte nette, (PNB), voire de gain de biodiversité.
Cet objectif impose de protéger certains espaces naturels en ville et en créer de nouveaux.
Chaque EPT doit développer une stratégie pour établir des continuités écologiques (ou par pas japonais) entre les réservoirs de biodiversité existants (forêts parcs et jardins etc… pour le déplacement de la faune sauvage (espèces volantes ou terrestres). Or les obstacles à ces déplacements sont nombreux (voiries, autoroutes, voies ferrées, bâtiments etc…) mais aussi les clôtures étanches entre propriétés. Par ailleurs, la lumière artificielle nocturne qui perturbe le cycle biologique des végétaux et de la faune sauvage, et affecte la santé humaine (sommeil en particulier), doit faire partie des nuisances environnementales majeures à la biodiversité.
Nous demandons de
- Recommander à chaque EPT de disposer d’une cartographie de la végétation et des zones humides à une échelle suffisamment fine (c’est-à dire à l’arbre près) pour en tenir compte dans le zonage des PLUi.
- Protéger, sur la base des cartes de végétation à haute résolution publiées dans le diagnostic des PLUi mais aussi en open data, des zones à enjeu susceptibles d’être re-naturées dans l’objectif double de créer des continuités écologiques et constituer une réserve pour d’éventuelles opérations de compensation.
- Protéger les alignements d’arbres, les talus végétalisés, le long des routes et voies ferrées qui constituent des continuités écologiques.
- Recommander de ménager des passages à faune entre propriétés privées dans les zones pavillonnaires.
- Limiter, voire supprimer l’éclairage nocturne public avec des prescriptions sur l’intensité et la couleur des sources de lumière, l’orientation du faisceau lumineux vers la cible choisie en évitant d’illuminer le ciel et la végétation.
3. La prise en compte des pollutions et des nuisances cumulées pour la santé
humaine
La réduction des pollutions de l’air et de la pollution sonore doit être une priorité avec le respect des seuils préconisés par l’Organisation Mondiale de la Santé. Les zones aéroportuaires, les grands axes routiers et ferroviaires sont visées. La récente condamnation par le Conseil d’Etat obligeant l’Etat à payer des astreintes pour non respect des seuils limités de pollution de l’air notamment dans l’agglomération de Paris impose la mise en place rapide, concrète et coordonnée de la Zone à faible émission (ZFE) sur le territoire de la MGP en articulation avec les objectifs du PCAEM.
Nous demandons dans les zones carencées en espaces verts au sens de l’OMS (plus de 10m2 d’espaces verts publics par habitant) et notamment les zones qui cumulent les risques d’inondations et les nuisances de pollution de l’air et de pollution sonore
- Le classement d’espaces encore non bâtis en réserves pour espaces de nature en se basant sur des cartes de végétation à haute résolution (cf section 2)
- L’interdiction d’’implantation de logements, équipements et services recevant du public à proximité des axes autour desquels le niveau de pollution est supérieur aux normes OMS en particulier zones aéroportuaires, grands axes routiers et ferroviaires.
4. Sobriété énergétique et développement des énergies renouvelables
L’adaptation et l’atténuation des dérèglements climatiques doit se traduire par des objectifs chiffrés et territorialisés dans les PLUi.
Nous demandons que
- Les constructions tant de logements que de bureaux doivent être très isolées voire à énergie positive afin de protéger les personnes et diminuer les besoins énergétiques.
- Une planification pour chaque EPT des potentialités de réseaux de chaleur et de froid, des énergies renouvelables et de récupération (géothermie, méthanisation de la bio masse, récupération des boues des stations d’épuration et autres filières peu carbonées)
- L’obligation pour toute construction nouvelle d’être conçue et dimensionnée de façon à pouvoir accueillir une installation photovoltaïque à plus ou moins long terme et que l’empreinte de l’ombre portée par les nouvelles constructions donne lieu à compensation pour les bâtiments anciens ainsi privés de possibilité photovoltaïque.