Concertation Nationale au débat public sur le projet de La promenade bleue entre les ponts d’Asnières et de Clichy

L’association Environnement 92 créée en 1991, est une fédération regroupant 52 associations de protection de l’environnement et du cadre de vie des Hauts de Seine. Elle est agréée Protection de l’Environnement et habilitée au dialogue environnemental au niveau du département des Hauts de Seine. Elle est fédérée à l’union régionale France Nature Environnement-Ile de France.

1. Remarques générales

Ce projet de promenade bleue s’inscrit dans une « zone urbaine fluviale », selon le SCoT métropolitain, sur une distance de 800 m environ, associée à des usages de loisirs tout en gardant un certain caractère naturel. Ce projet contribue donc à conserver à cette portion de rive, la caractéristique de la trame verte et bleue que devrait garder la Seine en région parisienne. C’est la condition pour que se développe la biodiversité aquatique et terrestre.

Les risques inondations

Le projet est situé en zone rouge du PPRI (c’est-à-dire une inondation à une hauteur d’eau supérieure à 2 mètres) comme tout le nord du département. Les risques de remontée de nappes sont aussi très importants. La référence de ce PPRI est la crue centennale de 1910. Or les prévisions les plus récentes du GIEC indiquent avec les dérèglements climatiques, une plus grande intensité et une plus grande fréquence des inondations. On doit s’attendre à des hauteurs d’eau bien supérieures, ce qui justifie des mesures de prévention. D’ailleurs, la Cour des Comptes vient de signaler récemment que les mesures préventives en île-de-France, en cas d’inondation sont très insuffisantes.

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-prevention-insuffisante-du-risquedinondation-en-ile-de-france

Environnement 92 considère que, pour ce projet au moins, les mesures préventives devraient être

  • Une surface d’expansion des crues (pleine terre) revue à la hausse
  • La murette anti-crue, située en haut des berges et destiné à protéger la RD7 et les quartiers riverains contre les inondations de la Seine, à redimensionner

La préservation de la biodiversité des berges de la Seine

La lutte contre la biodiversité ordinaire en zone urbaine dense doit être une réalité pour que le vivant (faune sauvage, flore) se développe et bénéficie à la santé humaine. Ceci s’appuie sur la loi pour la Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (2016) qui introduit des obligations de compensation des atteintes à la biodiversité et plus largement à la séquence Eviter, Réduire, Compenser(ERC). Cette loi vise, donc par des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, (PNB), voire de gain de biodiversité. Cet objectif impose de protéger certains espaces naturels en ville et en créer de nouveaux.

L’état des berges de la Seine dans le nord du département est fourni par la direction de l’eau des Hauts de Seine https://www.hauts-deseine.fr/fileadmin/user_upload/Mon_departement/01_Missions_et_actions/01.6_Eau_et_assainissement/01.6.3_Les_berges_de_la_Seine/Etat_des_lieux.pdf Il montre un déficit de berges perméables, notamment de berges naturelles par opposition aux autres options de leur artificialisation. Le développement d’habitats pour la faune aquatique et terrestres impose une végétalisation spécifique. L’exemple de la flore et la faune des berges sur l’île de Puteaux à proximité est donné par l’association Espaces https://www.association-espaces.org/wp-content/uploads/2013/04/plaquetteberges-puteaux.pdf Cette végétation contribue à purifier l’eau du fleuve, à abaisser la température de l’eau, à fournir des habitats à la faune aquatique (frayères pour les poissons) et terrestre (oiseaux et insectes). Idéalement, la berge comporte un talus sous fluvial qui s’amorce doucement à l’horizontal. Cette zone inondée fréquemment et périodiquement par la variation du niveau d’eau, apporte un cortège riche en espèces hygrophiles. Au total les berges naturelles contribuent à enrichir la diversité des espèces de poissons, gage de la santé du fleuve.

Le projet propose deux variantes pour la partie C dite « Berge promenade ». La variante 1 de la promenade fournit une séparation claire entre une berge renaturée propice à l’épanouissement d’une biodiversité faune/flore (une profondeur de 10-15 mètres est souhaitable) et le cheminement piétons sur la passerelle flottante. Ce dernier offre aux promeneurs un accès à la Seine et un paysage arboré. Au contraire la variante 2 reste une artificialisation partielle de la berge avec un espace plus restreint pour la partie végétalisée. Le fait que le cheminement piéton soit situé au bord du fleuve implique des risques que les promeneurs perturbent régulièrement la faune et la flore.

Environnement 92 approuve la conservation de tous les arbres existant sur la berge et est en faveur de :

  • une renaturation sur une profondeur d’au moins 10 à 15 mètres de la berge sur l’ensemble du projet (séquences A, B et C).
  • du choix de la variante 1 de la séquence C (promenade flottante et berge renaturée sans cheminement pour les piétons)
  • la plantation d’arbres, arbustes sur les parties hautes de la berge qui ne sont pas végétalisées actuellement
  • d’un chantier de construction respectueux de la faune terrestre et aquatique pendant les périodes de frai et de nidification

2. Les risques liés aux usages de la promenade

La présence de la promenade piétonne et des activités prévues sur la séquence A à proximité immédiate des berges constitue une fragilité pour la tranquillité de la faune.

  • La pollution lumineuse nocturne

La lumière artificielle nocturne a un impact majeur sur les végétaux, les animaux et les hommes. L’alternance jour/nuit a constitué un paramètre structurant de l’évolution : 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou exclusivement la nuit. En d’autres termes, la majorité des animaux sont nocturnes.

Selon l’Agence régionale de biodiversité de l’institut Paris Région1 , l’impact de l’éclairage artificiel nocturne sur la biodiversité peut se résumer par : -le dérèglement des rythmes biologiques des espèces animales totalement ou partiellement nocturnes ; – la modification de leurs comportements ; -la perturbation des déplacements de certains oiseaux migrateurs qui utilisent les étoiles ou la lune pour s’orienter et des insectes volants qui se retrouvent piégés par les points lumineux – la fragmentation des milieux naturels car certaines espèces fuient la lumière et doivent accomplir leurs cycles de vie dans des habitats plus petits et morcelés (vers luisant, lucioles,….). Par exemple, selon plusieurs sources, près de 150 insectes volants meurent d’épuisement à force de tourner autour d’un lampadaire chaque nuit, en saison estivale, sur chaque point lumineux. Les végétaux ont besoin de lumière pour la réalisation de la photosynthèse, mais ils doivent bénéficier de périodes d’absence de lumière pour l’arrêt de la photosynthèse et ainsi finaliser leurs cycles de réactions chimiques. On observe une augmentation de la mortalité et un appauvrissement de la diversité végétale dans les milieux éclairés la nuit. Par exemple, certaines plantes ont la particularité de fleurir la nuit. La lumière nocturne impacte les floraisons et les pollinisations par des insectes également nocturnes. Il en résulte une baisse du succès reproducteur et par exemple celle de la production des fruits, la diminution du brassage génétique et des conséquences négatives sur la population des pollinisateurs diurnes.

Si l’éclairage public est indispensable, il faut éclairer ce qu’il faut, quand il faut, où il faut, c’est-à-dire

– Concevoir les luminaires en contrôlant sa position par rapport au sol, le cône d’illumination au sol (éviter d’éclairer le ciel), l’intensité lumineuse et le spectre de la lumière émise (éviter la lumière bleue)

– Gérer l’éclairage dans le temps : horaires, durée. La limitation de l’éclairage nocturne doit guider la recherche de solutions pour les besoins des riverains (habitants de péniches). L’accès à la promenade devrait être réservé la nuit de 23h à 6h, pour les riverains avec un système d’éclairage avec détecteur de présence.

Environnement 92 est favorable à

  • un éclairage modéré de la passerelle, avec une couleur chaude du spectre de lumière et un évitement d’éclairer la végétation.
  • Une extinction de l’éclairage la nuit par exemple de 23h à 6h
  • L’usage d’éclairage nocturne -intermittent avec détecteur de présence- pendant les horaires d’activité (Séquence A)

 

  • La pollution sonore

Le bruit affecte la capacité des animaux à communiquer, capacité qui détermine toute une série de leurs comportements vitaux. Le bruit a en effet des conséquences directes sur les capacités de survie des animaux (voire de certaines plantes), en première approche en raison de son influence sur leurs aptitudes comportementales, mais aussi parce que le bruit affecte le bon fonctionnement de leur métabolisme. Le bruit modifie donc négativement le comportement des animaux, l’état de santé des espèces et modifie l’équilibre des écosystèmes. Cette nuisance lorsque liée aux festivités nocturnes (feux d’artifices, fêtes diverses) est associée également à la lumière nocturne est une perturbation particulièrement sévère pour la faune.

Environnement 92 propose une modération de la fréquence des évènements festifs générateurs de bruit intense.

  • La gestion des déchets et l’assainissement

Pendant les deux ans de la période de chantier de construction de la promenade, cette question doit prendre en compte, outre le respect légal pour les entreprises et les particuliers, de ne rien jeter dans la Seine, l’impératif d’éviter la pollution de l’eau et de la végétation. Pendant l’usage normal de la promenade, la présence humaine va générer inévitablement la production de déchets qui vont impacter la qualité de l’eau de la Seine et la faune et la flore. La présence de bateaux logements dans la séquence A impose le respect strict de la réglementation en matière de rejet des eaux usées.

Environnement 92 est favorable aux initiatives de la municipalité d’Asnières pour

  • apposer des panneaux pédagogiques aux abords de la promenade bleue
  • publier dans le journal local les incitations au respect de la nature (y compris la collecte de déchets dans la Seine)
  • inciter les établissements scolaires à organiser des sorties pédagogiques sur la promenade
  • faire appliquer la réglementation en matière d’assainissement pour les bateaux logements et autres activités publiques prévues

3. Les activités autres que la promenade

La partie prévue sur la zone dite séquence A, offre des opportunités d’accès au fleuve pour les habitants à la fois pour leurs loisirs et leurs déplacements futurs

Environnement 92 est favorable à

  • Prévoir une escale bâteaux, dans la perspective de création d’une ligne de transport commun fluvial.
  • Des installations sportives nautiques

 

Le 4 décembre 2022 Irène Nenner, Présidente

1 https://www.arb-idf.fr/article/rencontre-technique-trame-noire-et-biodiversite