Contribution
Remarques générales
Un Schéma de cohérence territorial est un document de planification et d’urbanisme qui doit placer au centre le bien-être des habitants via leur cadre de vie. Or, l’attractivité économique du territoire est mise en avant, mais l’attractivité tient à l’agrément du cadre de vie qui détermine en grande partie le choix par les entreprises de leurs nouvelles implantations. Il faut donc examiner la qualité de l’urbanisme et des déplacements, la résilience de la métropole devant le changement climatique et la perte de biodiversité, les espaces de respiration. Et si le développement économique du territoire ou son maintien à un haut niveau sont importants car la Métropole produit déjà 30 % de la richesse nationale sa croissance ne devrait pas appauvrir les territoires adjacents ni conduire à la désertification des villes périphériques.
Ce futur SCOT s’appuie sur des prévisions erronées. Les hypothèses de croissance de la population du Grand Paris 2030 de 1,5 million d’habitants et la création de 750 000 emplois nouveaux sont excessives. La croissance démographique naturelle est de 78 000 habitants par an (INSEE) et la création d’emplois pas plus de 30 000 par an souvent issus d’une délocalisation territoriale. Ainsi, les besoins en construction de logements neufs des plans d’action prévus par la Loi Alur sont eux aussi excessifs. Il faut d’abord rattraper le retard accumulé pendant quelques années mais viser une stabilisation ensuite. Le dimensionnement des transports collectifs doit être mieux adapté, et il faut éviter de faire passer des transports lourds dans des champs de blé.
Contrairement aux hypothèses basses du SCOT pour l’élévation de température moyenne de l’agglomération parisienne + 2 °C, Météo France prévoit une augmentation proche des scenarii élevés du GIEC : avec + 4 à + 5 °C en 2070-2100. Dans certaines régions, en été, au cours de vagues de chaleurs, nous allons étouffer et ce sera pire qu’en 2003 où 15000 personnes étaient décédées en France du fait de la canicule ! Or, les pouvoirs publics mettent la pression pour construire plus de 70 000 logements par an en Ile de France. Les espaces vacants sont évidemment visés alors qu’il faut absolument compenser les ilots de chaleur des zones urbanisées par des espaces verts et boisées, des espaces d’eaux (mares, lacs, fontaines…), soit des espaces de fraîcheur, seules armes véritables pour rendre la zone déjà trop dense de la Métropole Grand Paris, vivable. Arrêtons de sacrifier des espaces verts dans nos communes et de laisser nos édiles et les promoteurs faire la chasse aux dents creuses et espaces urbains libres. Utilisons-les pour ménager des espaces de respiration et de fraicheur grâce au génie végétal. L’habitat individuel (maisons et jardins particuliers) de la première couronne francilienne est particulièrement visé. Or, ces espaces, s’ils sont privés et leur entretien à la charge des propriétaires, profitent aussi à l’habitat collectif en étant naturellement des zones de fraîcheur et de dépollution de l’air.
Propositions particulières
1. Le diagnostic
La présentation du diagnostic du Scot pose un problème de méthode. L’ordre des éléments de diagnostic A, B, C, n’est pas neutre puisque les enjeux proposés ne suivent pas les cinq objectifs définis dans le code de l’environnement : le point 2 sur la biodiversité n’est pas explicitement pris en compte alors que la délibération n°5 des élus du 23 juin 2017 indique page 8, la préservation de la biodiversité et l’équilibre écologique du territoire.
L’ordre de présentation des trois parties pose problème puisqu’il conduit à évoquer des points dans la partie A avant de les avoir traités dans la partie C. La partie C doit intégrer explicitement la transition écologique.
2. Les orientations prioritaires
L’amélioration de la qualité de vie des habitants passe par l’augmentation des aménités (y compris le développement des services publics) et l’éradication des nuisances et des contraintes. Les enjeux de ce projet de SCOT sont contradictoires. Développer l’économie de manière traditionnelle est un manque d’imagination profond alors que règne une guerre sans précédents entre les grands blocs économiques, que les ressources en matières premières et en énergie sont en voie d’épuisement, que la montée des eaux océaniques va entrainer des déplacements de population considérables y compris en France où 6 millions d’habitants vivent dans des zones inondables, que les technologies numériques réduisent les distances et les besoins de déplacements. Tout ceci doit faire partie d’une réflexion bien plus intense comme le propose entre autres : « Villes intelligentes : tous concernés du village à la métropole (CEREMA 2018) », « La ville comme service (Analyse financière 2017) ».
Répondre aux besoins réels en logement pour le bien-être des populations
Les besoins des habitants logés dans des immeubles insalubres imposent plus de logements sociaux et une répartition plus équilibrée. 70% de la population sont éligibles aux logements sociaux. Trop de place est accordé actuellement à la gentrification et à la spéculation foncière et immobilière. Les pouvoirs publics, à l’échelle de la Métropole et non pas à celle des communes, doivent mieux contrôler le foncier, notamment dans les zones carencées au sens du Plan Vert de l’Ile de France. Il faut systématiquement chercher à réhabiliter les bâtiments existants (bureaux compris).
La densification coûte cher !
Il y a de nombreuses disparités sociales et territoriales à l’échelle du département des Hauts-de-Seine en matière d’emploi et de logement, de densité d’habitat et en matière sociale. Des emplois sont à créer au sud du département et des logements au nord. On trouve une densité supérieure à 200 habitants/ha à Levallois et 60/ha à Antony et à Sèvres. Dans les zones inondables de la Seine, le coût des constructions et des risques associés sont très élevés. Les coûts induits par une forte densification sont souvent sous-évalués. Le meilleur exemple est le coût du Grand Paris Express. Avec une densification de tous les réseaux : assainissement, eau, énergie routes et transports en commun sont plus chers à réaliser. Il y a des limites à trouver entre un étalement urbain et une forte densification qui a des conséquences au niveau financier, bien être et consommation des espaces.
Mieux gérer les eaux pluviales
L’évolution du climat conduit à de plus en plus d’occurrence de gros orages et d’inondations. Cela concerne aussi la gestion des petites pluies (8mm/24h). Un zonage pluvial comme à Paris est à établir sur tout le territoire de la Métropole. L’infiltration des pluies dans la parcelle doit être systématisée. La dés-imperméabilisation des sols existants doit être une orientation forte. Les innovations en matière de construction dans les zones inondable doivent renforcer la prévention.
Sanctuariser les forêts, grands espaces boisés et zones agricoles
Toutes les forêts (domaniales et autres) et les zones agricoles doivent être protégées de l’urbanisme et des infrastructures de transport. En plus du classement de ces zones, la conversion des zones N dans les PLUi doit être interdite et les dérogations exceptionnelles. La recommandation du SDRIF 2013 sur l’inconstructibilité sur une bande de 50m autour des lisières des massifs boisés, doit être contraignante.
Préserver dans les espaces ouverts des îlots de fraîcheur
L’aménagement et l’occupation des sols dans les espaces vacants est un enjeu prioritaire pour satisfaire les besoins en logistique, activités économiques, logements et surtout pour introduire de nouveaux espaces de fraicheur. Une meilleure répartition des espaces verts et boisés ainsi que les zones humides (bassins, mares, cours d’eau) doit être recherchée à l’échelle de la Métropole, lors du renouvellement du parc des bâtiments d’activités et de logements. Imposer un pourcentage d’espaces verts en pleine terre pour chaque nouvelle construction est une priorité. On doit créer des espaces ouverts artificialisés pour respecter la règle de l’OMS sur les 10 m2 d’espaces vert par habitant.
Mobiliser les acteurs pour la biodiversité
Faire émerger une culture de la nature en ville, aider les initiatives citoyennes, encourager l’innovation et faire de la biodiversité un enjeu positif pour les décideurs économiques. Cela suppose de mettre en oeuvre le SRCE et la déclinaison locale de la trame verte et bleue. Celle-ci- est très morcelée dans la Métropole à cause de l’urbanisation et des infrastructures de transport. Cela suppose de supprimer les obstacles et de réduire les ruptures de continuités écologiques.
Encore des efforts pour améliorer la mobilité des franciliens !
Prioriser la rénovation et l’extension des lignes de transports lourds existantes avant d’en créer de nouvelles seraient infiniment plus utiles et moins onéreux.
Rendre l’économie circulaire encore plus effective
Alors que les ressources de la planète se réduisent comme peau de chagrin et que les pays développés comme le nôtre consomment plusieurs planètes, il est temps de réduire notre impact environnemental en recyclant, réutilisant nos produits manufacturés comme aussi nos matériaux de déconstruction ou nos déchets de toutes sortes.
Un SCOT mieux partagé avec les citoyens et les associations
Les efforts vers le grand public pour communiquer sur le SCOT sont notables mais le temps imparti pour cette concertation est bien trop court dans un calendrier bien trop serré (moins de deux ans). Pour mémoire, le SCOT des « Coteaux et du Val de Seine » a fait l’objet d’une vraie concertation élus-citoyens-associations sur une durée de trois ans.
Il n’y a aucun message dans les média (télévision, radio) qui auraient pu compléter efficacement le dispositif actuel (Bus itinérant dans «35 villes sur les 131 de la métropole), site internet interactif. Résultat prévisible : l’immense majorité des habitants de la Métropole ne sont pas informés de la mise place de ce SCOT qui va impacter directement les futurs PLU intercommunaux.
Irène Nenner, présidente d’Environnement 92
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16, rue de l’Ouest 92100 Boulogne Billancourt
in.env92@gmail.com